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De la machine à vapeur à l’intelligence artificielle : quelle place pour l’humain dans les révolutions industrielles ?

Machine à vapeur, automobile, travail à la chaîne, ordinateurs, robots, et plus récemment intelligence artificielle… chaque progrès technologique a bouleversé le travail, en apportant des gains de productivité, mais également son lot de « peurs et résistances au changement ». La quatrième révolution industrielle, caractérisée par la convergence du monde virtuel et de la conception numérique avec les produits du monde réel, n’est pas différente. Dans ce contexte, comment permettre une collaboration entre l’humain et la machine ?

Des révolutions industrielles cycliques : le travail ne disparaît pas, il se transforme

Jusqu’à présent, le monde du travail a connu quatre révolutions industrielles :

  • Au XVIIIe siècle, l’extraction massive du charbon et de ce fait l’invention de la machine à vapeur ont permis d’automatiser des tâches précédemment accomplies par les travailleurs humains et les animaux. L’usine a progressivement remplacé les ateliers.
  • Au XIXe siècle, l’extraction du pétrole, l’invention de l’électricité et de l’automobile ont apporté la production en série et le travail à la chaîne.
  • Au XXe siècle, l’énergie nucléaire et l’informatique ont ouvert la voie à la diffusion mondiale de nouveaux moyens de communication (internet notamment), de production et aux robots industriels

Aujourd’hui, la quatrième révolution industrielle s’articule autour de l’intelligence artificielle (reconnaissance vocale, apprentissage automatique, vision par ordinateur, algorithmes), de l’automatisation, l’internet des objets, la réalité virtuelle et augmentée, les cobots, ou encore l’impression 3D. Les processus de production deviennent intelligents et connectés, en s’appuyant sur des machines capables de s’autoprogrammer.

Selon Lorena Sanchez, coordinatrice du livre Les dessous de l’engagement en entreprise – Quand les collaborateurs en sont le cœur, « à chaque nouveauté technologique on se pose les mêmes questions ».  L’histoire nous montre que les différentes révolutions industrielles ont toutes fait évoluer le travail, certes supprimé des emplois, mais également créé d’autres, souvent plus qualifiés. Et l’IA ne diffère pas dans ce schéma.

L’industrie 4.0 a un impact massif sur le travail, dans presque tous les secteurs. Elle entraîne l’automatisation des tâches précédemment effectuées par des travailleurs humains, notamment les tâches les plus répétitives et fastidieuses. Cette automatisation fait craindre, et parfois à juste titre, pour le futur de certains métiers[SL1] . Mais son impact reste à nuancer, puisqu’elle va surtout permettre de redéfinir le rôle des travailleurs en les déchargeant de tâches routinières, pour les orienter vers des activités plus complexes ou plus créatives, et leur dégager du temps pour monter en compétences. A terme, ce gain de temps améliorera le bien-être, et ainsi la productivité des travailleurs.

Ainsi, l’IA ne remplace pas les travailleurs, elle les accompagne. Plus la machine est utilisée, plus les qualités humaines deviennent importantes (écoute, empathie, créativité, décision) au travail et au sein de la société. L’industrie 4.0 doit être appréhendée pour travailler non pas à la place des travailleurs humains, mais en complémentarité avec eux. Elle doit les soulager sur certaines tâches pour leur permettre de se focaliser sur d’autres. Et le processus est déjà en marche.

 

La machine et l’humain : un travail collaboratif

Ainsi, dans les usines, les cobots (bras articulés) peuvent exercer les tâches les plus répétitives et dangereuses, permettant ainsi une réduction des troubles musculosquelettiques des opérateurs. En « rupture avec les robots industriels mono-tâches », ils sont faciles à programmer et reprogrammer, savent souder, visser, poser, plier, emballer, jour et nuit.

Les médecins peuvent de leur côté être assistés par des algorithmes pour lire les clichés dans les services de radiologie et détecter des maladies. Récemment, l’Institut Curie a développé un algorithme qui peut diagnostiquer un cancer du sein lors d’une biopsie. Ainsi, le temps dégagé permet par exemple au praticien d’être davantage au chevet de son patient.

Dans les métiers des ressources humaines, l’intelligence artificielle trouve sa place dans de nombreux domaines, à commencer par le recrutement – 28% des entreprises françaises l’utilisent déjà pour des activités de recrutement. Elle peut aider à rédiger des offres d’emploi, analyser des CV et élaborer des tests de recrutement. Le temps dégagé permet notamment de se concentrer sur la phase d’entretiens. Elle permet aussi de soutenir le travail de rétention de talents, en prédisant les signes avant-coureurs d’un départ (baisse de performance et objectifs non atteints par exemple), et d’améliorer l’employabilité des collaborateurs en identifiant les formations  et accompagnements nécessaires à leur montée en compétences.

Dans les directions administratives et financières, les systèmes d’information sont utilisés pour effectuer des flux de trésorerie, contrôles de gestion, prévisions financières, gestion de risque, permettant ainsi de fiabiliser les prévisions et simplifier in fine les prises de décision.

Les outils technologiques transforment également la relation client en traitant les demandes les plus simples, recueillant des données sur des clients, prédisant leurs besoins, libérant ainsi du temps pour les conseillers, qui peuvent se concentrer sur les réponses à plus forte valeur ajoutée, mais surtout sur le développement de la relation avec écoute et empathie.

L’IA fait également craindre pour les métiers liés à l’écriture. Mais elle pourrait au contraire permettre d’améliorer la qualité du travail fourni. Ainsi, une expérience a été faite sur 400 professionnels, à qui il a été demandé de rédiger différents textes (e-mails, rapports, communiqués de presse…), avant de les former à ChatGPT. Résultat : le temps de travail a été réduit et les textes produits étaient de meilleure qualité. Selon Gilles Moyse, docteur en intelligence artificielle, « avec ChatGPT, plus de page blanche, il y a toujours une première version ou un brouillon (…) C’est comme avoir un très bon stagiaire qui aurait lu tout Wikipédia et qui serait à disposition quand on le souhaite ».

Il est important de souligner que ces technologies, y compris l’intelligence artificielle, restent au service de l’intelligence humaine. Elles ne viendront pas remplacer nos emplois, à condition que nous sachions nous adapter et nous challenger, que nous acceptions de nous former[SL2] , et que nous puissions en tirer parti pour faire évoluer nos métiers.

 

> Aller plus loin sur le site de la Fondation Travailler autrement : Travailler dans le métavers : révolution ou désillusion ?, Le numérique challenge le travail ?, 3 questions à… Olga Kokshagina, membre du Conseil National du Numérique