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Mobilité et enjeux environnementaux : comment améliorer notre avenir sans injustice sociale ?

Alors que l’urgence est à la transition de notre économie vers un modèle plus respectueux de l’environnement, une majorité de travailleurs français prennent toujours leur voiture pour se rendre au travail. Quels citoyens se déclarent dépendants de la voiture et pourquoi ? Que faire pour les accompagner ? Comment limiter l’injustice sociale ?

Les Français et la voiture : une dépendance très forte

La mobilité est devenue nécessaire pour s’insérer dans le monde du travail. En effet, au cours des deux derniers siècles, le lieu de travail s’est détaché du lieu de vie. On peut aujourd’hui distinguer trois profils de travailleurs. Ceux qui habitent à une distance de leur travail suffisamment courte pour pouvoir s’y rendre à pied ou en mobilité douce personnelle (vélo, trotinette, etc), incluant par défaut les télétravailleurs. Ceux qui habitent en ville ou dans des zones moins urbaines desservies par les transports en commun. Et enfin, tous les autres qui dépendent de la voiture. Ces derniers représentent la majorité des travailleurs français puisque selon une récente étude réalisée par l’Ifop, 7 Français sur 10 déclarent être dépendants au quotidien de leur voiture (IFOP, 2023). Parmi eux, une multitude de situations. 

Les habitants des zones rurales sont les premiers touchés par la dépendance à la voiture puisque, selon l’Ifop, 54 % d’entre eux n’ont pas d’arrêt de bus à moins de 10 minutes de chez eux. Pourtant, être citadin n’immunise pas complètement contre la dépendance à la voiture. Ceux qui, par exemple, travaillent en horaires décalés ou sont itinérants n’ont souvent pas d’autres choix, ni ceux qui vivent géographiquement près de leur lieu de travail mais sans desserte de transports en commun dans ce sens. 

De plus, le coût du logement dans les centres-villes incite les ménages à habiter dans les espaces périphériques des villes, avec moins de solutions de transports en commun, potentiellement à distance des bassins d’emplois, où pour le même budget, leur lieu de vie sera plus spacieux. L’éloignement impose souvent l’usage d’une mobilité individuelle à défaut d’autres solutions, et cela a un impact important sur le budget du ménage (achat, assurance, essence, entretien, etc). A l’inverse, le coût du transport collectif est moindre pour le particulier. Ainsi, l’Observatoire des inégalités estime le coût de déplacement en voiture d’un ouvrier habitant à 20km de son lieu de travail à 250 euros par mois, soit presque le quart d’un SMIC. En comparaison, un salarié francilien pouvant rejoindre son lieu de travail en transport en commun déboursera 80 euros par mois (Schmidt, 2023). 

Enfin, certaines professions sont dans l’obligation d’avoir un véhicule (infirmière libérale, aide à domicile à la campagne, carreleur ou plombier, etc) pour parcourir de grandes distances ou pour transporter leur matériel professionnel. Dans ce cadre, ils peuvent bénéficier d’un véhicule de fonction et d’un remboursement partiel ou total des frais kilométriques.

 

Des encouragements pour les modes de transport moins polluants

La dépendance à la voiture peut être considérée comme une priorité politique au vu de la responsabilité des transports dans l’urgence climatique. Inciter les travailleurs à troquer leur voiture contre la marche, le vélo, la trottinette ou les transports en commun est ainsi devenu un impératif pour les pouvoirs publics.  

Par ailleurs, les réseaux de transport collectif se développent : les solutions de TER, car interurbain, voire même covoiturage se multiplient. En 2009 est promulguée la loi obligeant tous les employeurs sur le sol français à prendre en charge au minimum 50 % des frais d’abonnement de transports collectifs de leurs employés. Il devient alors encore plus intéressant économiquement de délaisser sa voiture, mais encore faut-il pouvoir le faire. 

Face à ces incitations se heurtant au manque d’alternatives, la voiture électrique est-elle une piste plus pertinente ? C’est le pari que fait l’Etat avec la prime à la conversion et le bonus écologique, deux aides financières à l’achat ou à la location d’un véhicule électrique, hydrogène ou hybride. Néanmoins, l’économiste François-Xavier Pietri nous met en garde quant aux coûts de ces véhicules : “Une voiture électrique est près de 50 % plus chère que son équivalent thermique. La majorité des Français ne peut pas se payer de voiture électrique.”. Si effectivement, le coût à l’achat est plus important, les économies en carburant ne pourraient-elles pas contrebalancer ce surcoût ? Les avis divergent sur ce sujet selon économistes, sachant que le développement de ces véhicules va aussi aider à en baisser le prix d’usage.

 

Les enjeux environnementaux n’ont pas de classe sociale

Au-delà des enjeux pour la planète et des opportunités technologiques, il convient d’adapter la transition écologique aux capacités (idéologiques, technologiques et financières) des citoyens à intégrer ces solutions dans leur vie quotidienne. Ainsi, les réglementations, incitations et aides financières ne seront pas efficaces si elles excluent les ménages les plus modestes. 

Le Giec, dans son sixième et dernier rapport, rappelle que dans l’objectif d’une véritable transition écologique, il sera nécessaire que l’ensemble de la société participe et pour cela accepte les changements à mettre en place. Dans ce sens, la solution est de mener des politiques environnementales tout en prenant en compte les inégalités sociales. D’autant plus que ce sont les populations les plus modestes qui souffriront le plus des conséquences du changement climatique car elles ont moins de possibilités, notamment financières, de s’en prémunir.

Quelles solutions se présentent donc à ce double enjeu environnement-social ? Au-delà du développement des transports verts pour tous, l’entreprise a-t-elle un rôle à jouer ? 

Les plateformes Maplab et 1km à pied proposent justement des solutions en ce sens. Le concept ? Permettre aux entreprises d’observer les trajets domicile-travail de leurs salariés, afin de trouver des solutions adaptées. Parmi ces solutions : mieux penser le lieu d’implantation du bureau, offrir des solutions de mobilités douces personnalisées à chaque salarié, proposer des échanges de postes localisés sur différents sites entre salariés pour les rapprocher de leur domicile ou encore ajuster les horaires de travail pour éviter les heures de pointe, à condition que ce soit possible pour l’employeur et accepté par le salarié.

Une autre solution pourrait être de retisser du lien social pour imaginer davantage de covoiturage et de partage de voitures. Le point positif, c’est que les employeurs prennent conscience de ces enjeux et innovent. Aux salariés de proposer aussi des initiatives constructives pour que la transition écologique participe positivement à reconstruire le lien social. Affaire à suivre ! 

 

> Aller plus loin sur le site de la Fondation Travailler autrement : Comment éviter le fossé entre travailleurs mobiles et travailleurs sédentaires ?, 3 questions à… Éric Chareyron, Directeur Prospective, Mode de vie & Mobilité dans les territoires, KeolisAides à domicile et aides-soignants : quel avenir ?Mobilités professionnelles interrégionales, quels changements ?