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Demain, tous entrepreneurs ?

Malgré les aléas de conjoncture économique de ces dernières années, l’entrepreneuriat continue de fleurir en France en 2023, avec un Français sur trois engagé dans cette dynamique. Si l’aspiration entrepreneuriale repart à la hausse, il en va de même pour ceux qui sautent véritablement le pas. Alors, demain, tous entrepreneurs ? 

 

Une dynamique entrepreneuriale florissante  

L’Observatoire de la création d’entreprise de BPI France produit tous les deux ans l’Indice entrepreneurial français, qui prend en compte la chaîne entrepreneuriale ainsi que la culture entrepreneuriale pour mesurer l’engagement des Français dans cette dynamique. Ainsi, la chaîne entrepreneuriale se compose des chefs d’entreprise, des ex-chefs d’entreprise, des porteurs de projet ayant déjà engagé des démarches, mais aussi des intentionnistes qui envisagent de créer ou de reprendre une entreprise sans avoir encore engagé de démarche, composent les 32% de Français qui sont engagés dans une dynamique entrepreneuriale. L’IEF fait état d’une hausse continue de cet engagement chez les femmes (28%), les jeunes (58%) et les habitants de quartiers prioritaires de la ville (25%) qui réduit l’écart avec la moyenne française. Cette dynamique reflète la perception positive qu’ont les Français de l’entrepreneuriat. De la même manière, 59% des Français interrogés pensent devenir freelance à un moment dans leur carrière, c’est à dire se mettre à leur compte. 

 

Une aventure attrayante

L’aspiration entrepreneuriale est principalement stimulée par une envie de liberté et d’indépendance : être son propre patron, gérer son emploi du temps, jouir d’une autonomie décisionnelle, etc. Pour certains, l’entrepreneuriat est une vocation, pour d’autres, une façon de mettre à profit leur expertise ou leur créativité, mais cela peut aussi être un choix à un moment de vie charnière (devenir mère pour les “mompreneurs”, devenir senior pour les silverpreneurs, etc.). On retrouve souvent chez les jeunes qui sautent le pas une fibre entrepreneuriale qui les pousse à créer leur propre business. En deuxième partie de carrière, il y a davantage une logique d’expertise et de réseau : l’aventure entrepreneuriale est ici plutôt le fruit d’une forme de maturité professionnelle. Il est toutefois essentiel de souligner que cette liberté revendiquée s’accompagne de contraintes et de responsabilités. 

Au-delà de ces considérations classiques, il faut noter que la crise sanitaire a eu un effet paradoxal sur la motivation à entreprendre. D’un côté, elle a boosté l’envie d’entreprendre des jeunes, avec aujourd’hui 47% des 18-30 ans qui déclarent avoir envie de créer leur propre entreprise, contre 42% en 2019. Si cette envie est principalement stimulée par l’envie de liberté et d’indépendance, ils sont aussi 65% à considérer qu’il s’agit d’un moyen de faire bouger le monde. Ils sont en effet 31% à envisager un modèle où tous les salariés seraient décisionnaires, 29% d’entre eux seraient prêts à se lancer dans une entreprise capable de créer du lien social et de contribuer au développement de leur territoire et 27 % à privilégier un projet lié au développement durable ou à l’environnement. Mais cette crise a aussi largement renforcé la peur de l’échec. Les jeunes ont aujourd’hui une conscience beaucoup plus forte des risques liés à la création d’entreprise : remise en question liée à leur manque d’expérience, insécurité des activités, difficultés de financement ou à trouver des clients et des missions, et par conséquent risque d’instabilité de la rémunération. 

 

L’entrepreneuriat au cœur de l’innovation 

La période de transformations et d’innovations (intelligence artificielle, transition numérique et écologique, etc.) que nous connaissons offre de nouvelles opportunités qui alimentent l’engouement entrepreneurial. Si les entrepreneurs peuvent endosser un rôle crucial au sein de la société, il est impératif de réduire au maximum les freins qui peuvent l’être : les difficultés administratives (démarche de création, demandes de subventions, procédures de recrutements, etc.) peuvent susciter des réticences et empêcher les volontaires de sauter le pas. Par ailleurs, la prise de risque inhérente à l’aventure entrepreneuriale pourrait être modérée par une sécurisation du parcours (comme le chômage des indépendants, législation que la Fondation Travailler autrement a impulsé) et une valorisation sociale de l’échec, à appréhender comme une partie intégrante du processus de réussite.

« Les entrepreneurs sont à l’avant-garde de l’économie française « , à ce titre ils doivent impérativement être rassurés et soulagés par les pouvoirs publics. Les associations peuvent également jouer un rôle d’accompagnateur, de mentor et de facilitateur, notamment pour l’octroi de prêts d’honneur ou de contraction de prêts bancaires. Lever ces barrières financières et psychologiques permettrait de libérer le plein potentiel entrepreneurial. 

 

La démocratisation de l’entrepreneuriat met-elle en péril le salariat ? 

“ La fracture entre le salariat et l’entrepreneuriat s’estompe, et c’est très surprenant « . Ces mots d’Emmanuel Landais, directeur général de l’Association pour le droit à l’initiative économique, dévoilent le paradoxe qui ressort des résultats du dernier baromètre de l’association. En effet, 70% des 25-30 ans envisagent de s’engager dans l’aventure entrepreneuriale en parallèle de leur situation salariale. Ce changement de paradigme témoigne d’une forte volonté d’entreprendre tout en limitant les risques, et donne une forme de porosité entre activité indépendante et salariée. Ceci peut par exemple s’exprimer pour de jeunes cadres salariés par l’adoption du statut de micro-entrepreneur qui permet de développer une activité de conseil ou de formation. Pour d’autres, ce peut être avoir quelques heures de salariat dans la semaine, par exemple dans les services à la personne, la communication ou la culture, et créer en parallèle sa propre entreprise, dans un domaine différent. On peut toutefois remarquer une désacralisation du salariat chez les jeunes de 18-26 ans, qui, pour 36% d’entre eux, affirment préférer le statut d’indépendant à celui de salarié. Ce chiffre reste malgré tout à nuancer compte tenu de l’écart significatif entre ce type de déclaration et le réel passage à l’action. 

Alors, non, demain nous ne serons pas tous entrepreneurs. Nous n’avons pas tous la fibre entrepreneuriale, et il y a souvent des “moments de vie” plus propices que d’autres pour tenter cette aventure professionnelle qui, ne l’oublions pas, nécessite engagement et persévérance. L’enjeu principal est donc de permettre à chacun qui le souhaite de pouvoir entreprendre, avec le soutien de l’Etat, des collectivités locales, mais aussi des entreprises et des associations, pour créer une dynamique favorable à l’entrepreneuriat, qui permette à la fois de stimuler l’activité mais aussi l’innovation. Enfin, l’entrepreneuriat ne s’oppose pas, comme on pourrait l’entendre parfois, au salariat : c’est à chacun de mesurer sa part de risque. 

 

 

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