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Nomade digital : la vie en rose ?

Au cours de ces dernières années, le monde du travail a fait face de profondes transformations – avancées du numérique, télétravail, flex-office – et pour une partie de la population active, la routine « transports-boulot-dodo » est devenue trop pesante. Les citoyens cherchent à bénéficier d’un meilleur équilibre vie professionnelle / vie personnelle.. Et si la solution était de devenir nomade digital ? Plus qu’une façon de travailler, c’est un réel mode de vie, avec ses avantages et ses inconvénients.

Un mode de vie qui inspire les freelances et entrepreneurs

Être nomade numérique, c’est pouvoir travailler depuis n’importe quel endroit de la planète avec un ordinateur portable et une bonne connexion wifi. Le terme a été mis en avant par Timothée Ferris, dans son livre « La semaine de 4 heures » (2007). L’idée s’est répandue dans toutes les sphères des métiers digitaux, pour toucher entre autres développeurs du web et du numérique, graphistes, traducteurs, coachs, community managers, instagrammeurs, informaticiens, écrivains, designers UX, illustrateurs, monteurs de vidéos, photographes, professeurs et psychologues à distance, etc. Il est difficile de quantifier leur nombre aujourd’hui, du fait de leur éparpillement géographique et des durées de séjour plus ou moins longues. Mais les données diffusées oscillent entre 10 millions et 35 millions de personnes dans le monde.

Cette façon de vivre concerne majoritairement des freelances et entrepreneurs, qui bénéficient d’une souplesse dans leur organisation. Cette possibilité de travailler de partout dans le monde, ces nomades digitaux en ont fait un mode de vie, en changeant régulièrement de pays suivant leurs aspirations et missions professionnelles. Les anglosaxons appellent cela « workation », une combinaison du travail et des vacances. Bali est une ville notamment appréciée par ces travailleurs, tout comme beaucoup de pays d’Asie du Sud-Est en général, ainsi que certains pays d’Europe.

La pandémie mondiale a donné un boom à cette façon de vivre, en prouvant que pour beaucoup de travailleurs, la venue au bureau n’était pas essentielle. Grâce aux avancées technologiques, tout se fait en ligne. Puisqu’il n’y a plus pour eux de différence entre télétravailler à Limoges ou en Thaïlande – hormis le décalage horaire – , beaucoup d’entrepreneurs en ont fait leur credo de coupler leur activité professionnelle à la découverte de nouveaux endroits et modes de vie. Et les pays ont bien compris la tendance, puisqu’ils jouent des coudes pour attirer ces populations à cheval entre travailleurs et touristes.

Une réalité moins glamour qu’il n’y paraît

Siroter une noix de coco en confcall, travailler les pieds dans le sable, enchaîner une séance de yoga avec trois heures de travail pour repartir surfer sur l’heure de midi, visiter un nouvel endroit tous les weekend… Cela parait idyllique. De fait, être digital nomad c’est être de libre de voyager d’un endroit à un autre, découvrir de nouvelles cultures, faire des rencontres insolites et élargir son réseau. Loin de profiter du voyage pour travailler moins sérieusement, les digital nomads sont en général plus productifs, notamment car ils travaillent plus efficacement pour se dégager du temps libre à côté. Autre avantage à ce mode de vie : alors que monter sa boîte coûte cher, partir dans un pays où le coût de la vie est moindre peut permettre de faire des économies pendant le développement de son activité.

Si ce mode de vie peut paraître alléchant, il n’est pourtant pas dénué de challenges. A commencer par la dépendance au réseau wifi de ses destinations, et le risque d’addiction que peut provoquer le fait de travailler sans cesse en ligne. Les travailleurs peuvent aussi être confrontés à des soucis de visa et bureaucratie, chaque pays ayant ses contraintes et attentes différentes. Cependant, de plus en plus de pays ont compris que cette pratique était en développement, et proposent des visas spéciaux pour les nomades digitaux, afin de faciliter leurs démarches. Mais parmi les critères requis, il faut souvent montrer ses revenus – en Thaïlande par exemple, il faut gagner plus de 80 000 dollars par an pour se voir accorder un visa. Cela met donc de côté une certaine partie du public intéressé. De plus, les témoignages évoquent souvent de gros risques liés à l’isolement : manque des proches et des interactions sociales qui vont avec la vie de bureau. Pour contrer cette solitude et aider les nomades à s’y retrouver, des plateformes comme Nomadlist se créent. On y trouve des conseils sur les meilleurs endroits pour travailler mais aussi des espaces d’échanges entre nomades numériques.

Avant de sauter le pas, il faut bien réfléchir à l’importance que peuvent avoir le sentiment d’appartenir à une communauté. 

Un coup de pouce des entreprises ?

Dans le monde du travail, ce mode de vie prendra sûrement une place plus importante, parallèle au développement du numérique et de la place du bien-être au travail. Et si cela parait compliqué à mettre en place du jour au lendemain en entreprise, à cause des problèmes de décalage horaire ou du risque d’isolement du collaborateur, les employeurs pourraient en bénéficier. De fait, il a été vu pendant la crise du Covid que les salariés étaient plus efficaces lorsqu’on leur offrait plus de souplesse et la possibilité de télétravailler. Et les entreprises ont déjà montré qu’elles étaient résilientes : si en 2020, 72% d’entre elles n’avaient pas de stratégie claire sur le travail hybride, 63% avaient développé un mode de travail hybride un an plus tard. Intégrer la possibilité d’être travailleur nomade détaché pourrait être donnant donnant : les entreprises pourraient diminuer le nombre de bureaux, et les salariés qui voyagent et s’ouvrent à d’autres cultures et méthodes pourraient apporter de nouvelles idées. Le numérique sera une réponse à certains challenges : on peut envisager dans un futur pas si lointain des réunions formelles et informelles entre collaborateurs dans le métavers, permettant alors une continuation du lien social.

Une autre problématique du développement des nomades numériques en entreprises pourrait être la fracture qui s’accentue entre les télétravailleurs et ceux dont la présence physique en entreprise est essentielle. Afin de développer ce mode de vie de manière pérenne et sans aggraver les inégalités entre catégories de travailleurs, il faudra réfléchir à des moyens de compensation pour les autres salariés.

 

>  A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Travailler dans le métavers : révolution ou désillusion ?, Les tiers lieux au cœur des transitions… notamment celles du travail et de l’emploi,