3 questions à Richard Abadie, directeur général de l’Anact
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) est une institution publique administrative placée sous la tutelle du Ministère du Travail. Depuis 1973, l’Anact propose aux différents acteurs des entreprises et des structures publiques des outils, connaissances et services pour les accompagner vers des conditions de travail permettant l’efficacité de l’entreprise en même temps que le développement des personnes qui la composent. Engagé pour la qualité de vie au travail et la responsabilité sociétale des entreprises, Richard Abadie, directeur général de l’Anact, a répondu à nos questions.
La semaine de la QVT vient de s’achever, quels défis de la QVT restent-ils à relever demain ?
Nous observons que trop souvent les démarches QVT en entreprise ne sont pas conduites de façon participative et restent pilotées comme des projets « en plus » sans lien avec les projets de transformation qui, pourtant, ont des impacts sur les conditions de travail. Par ailleurs, beaucoup d’entre-elles sont centrées sur les « à-côtés » du travail (le sport, le bien-être, le décor…) alors que seules les mesures visant à améliorer les conditions dans lesquelles le travail est réalisé peuvent générer durablement de la qualité de vie au travail.
C’est pour réaffirmer cette nécessité de traiter les questions « du travail » que les partenaires sociaux ont proposé, dans un Accord national interprofessionnel de décembre 2021 de valoriser la QVCT (Qualité de vie et des conditions de travail), en invitant les entreprises à mettre en œuvre les principes méthodologiques promus par le réseau Anact-Aract : favoriser le dialogue sur le travail, expérimenter de nouveaux fonctionnements…
Les nombreuses démissions observées depuis quelques mois et les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité ont-elles un lien avec la QVT ?
Dans de nombreux secteurs d’activité, les défis actuels ont sans aucun doute des liens avec le manque de QVT et les problèmes de conditions de travail : des horaires contraignants, des situations de travail usantes, une absence de perspectives, une reconnaissance insuffisante du travail effectué, la difficulté à être entendu, la perte de sens… Sur ce dernier point, le sondage que nous avons réalisé pour la Semaine de la qualité de vie au travail 2022 montre que 4 actifs sur 10 seraient prêts à changer d’emploi pour un autre qui aurait plus de sens.
Face aux défis actuels, il est utile pour les entreprises de chercher à améliorer leur « marque-employeur », à mieux communiquer sur les emplois à pourvoir ou encore à améliorer les procédures de recrutement. Mais, pour obtenir des résultats durables, il convient en complément d’engager des démarches de fond sur ces sujets – ce peut être l’objet d’une démarche QVCT.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise, notamment une PME, qui souhaite améliorer sa démarche RSE auprès de ses salariés ?
Les enjeux spécifiques de conditions de travail et de santé au travail de l’entreprise sont encore insuffisamment traités dans le cadre des démarches RSE. On observe également que les liens entre les « sujets RSE » (par exemple : la transition écologique, les relations fournisseurs, l’égalité femme-homme…) et les conditions de travail restent finalement peu pris en compte.
Si l’on prend l’exemple des transitions écologiques, l’enjeu consiste dorénavant à réfléchir avec toutes les parties prenantes de l’entreprise à la façon dont la conception des services ou des produits finaux, le choix des matériaux utilisés mais aussi les process et les compétences internes doivent évoluer pour répondre aux défis écologiques. Les démarches RSE doivent donc nécessairement être menées de façon participative (dans le cadre du dialogue social, en lien avec le dialogue professionnel) et traiter des questions du travail.
> Pour aller plus loin, sur le site de la Fondation Travailler autrement : Les normes d’évaluation du travail éloignées de la réalité du métier et nos 3 questions à Hortense Harang, co-fondatrice de Wetradelocal.io et de Fleurs d’ici.