Femmes et travailleurs invisibles : une condition particulière ?
Le 13 mars 2022, la Fondation Travailler autrement présentait les résultats de son étude “Les Invisibles : Plongée dans la France du Back Office” (réalisée par le cabinet Occurrence auprès de 15 000 répondants). Livreurs, aides à domicile, agents d’entretien, transporteurs, aides-soignants, caristes, caissières, vigiles, serveurs ou encore aides agricoles, ces 13 millions de travailleurs “de l’ombre” ont ainsi pu être mis en lumière. Or, parmi ces “Invisibles”, plus de la moitié (54%) sont des femmes. Zoom sur ces travailleuses invisibles.
Quelles sont les travailleuses “invisibles” ?
Parmi les segments d’”Invisibles”, il en existe 2 dans lesquels les femmes sont largement surreprésentées : les femmes soutiens et soutenues par leur famille et les femmes isolées et fragilisées.
Les femmes soutiens et soutenues par leurs familles représentent près de 2,5 millions d’actifs, principalement des femmes avec un niveau de qualification inférieur ou égal au Bac. Majoritairement infirmières, comptables, agricultrices ou encore vendeuses, elles sont 7 sur 10 à avoir moins de 49 ans et ont plutôt tendance à vivre en milieu rural. Même si leurs difficultés financières sont moins importantes que celles des autres travailleurs “invisibles”, aucune n’a bénéficié d’allocation chômage au cours des 24 derniers mois du fait d’une méconnaissance de ces aides ou d’une renonciation à leur recours. Enfin, si elles se sentent plutôt utiles dans leur emploi, une part importante d’entre elles estiment ne pas avoir de perspectives d’évolution professionnelle.
Les femmes isolées et fragilisées constituent quant à elles plus de 3,8 millions d’actifs, majoritairement des femmes de moins de 49 ans. Vendeuses, femmes de ménage, caissières, 2/3 d’entre elles travaillent debout, elles sont très exposées aux facteurs de pénibilité (bruit, uniforme, pointeuse…) et près d’une sur 3 a un contrat temporaire. À cela s’ajoute les horaires atypiques auxquels sont soumises plus de la moitié de ces femmes. Ces difficultés professionnelles se cumulent aux difficultés de la vie privée car elles sont près de 50% à vivre seules et 3 quarts d’entre elles déclarent ne pas pouvoir combler leurs besoins primaires. Moins bien renseignées sur leurs droits et ayant davantage tendance à y renoncer, ces travailleuses invisibles n’ont perçu aucune aide au cours des 24 derniers mois.
Des vies encore plus contraintes ?
Aux contraintes des travailleurs “invisibles” s’ajoutent, pour les femmes, celles des contraintes sociétales. Ainsi, plus de 50% des femmes “invisibles” sont des mères seules (célibataires, divorcées ou veuves), elles sont donc particulièrement touchées par le phénomène de monoparentalité par rapport aux autres catégories de travailleurs. En effet, ce chiffre correspond aux données de l’INSEE publiées en septembre 2021 qui montrent que les familles monoparentales représentent 25% des familles françaises et qu’elles sont composées, à 82%, de femmes.
Elles sont également surreprésentées dans les secteurs du care et des services tandis que les hommes sont majoritairement représentés dans la manufacture, le bâtiment et le transport. Par ailleurs, elles sont plus exposées aux horaires atypiques ou morcelées, d’autant plus lorsque leur niveau de qualification est peu élevé.
Fortement impliquées dans la vie familiale de leur foyer, les travailleuses “invisibles” sont plus de 65% à accorder plus de 3h par jour à leur famille sans compter les tâches domestiques qui occupent une place importante de leur temps à domicile. Aussi, plus de 57% d’entre elles considèrent ne pas pouvoir consacrer plus de 3h par jour à leur loisir et elles sont 28% à dormir 6h ou moins par nuit.
Si certaines contraintes qui pèsent sur les travailleuses “invisibles” se retrouvent chez l’ensemble des travailleurs “invisibles”, il ne faut pas oublier les contraintes spécifiques qu’ont ces femmes qui ont majoritairement continué de travailler pendant la pandémie.
> Pour aller plus loin, sur le site de la Fondation : l’étude complète sur les Invisibles et Quelles inégalités au travail entre femmes et hommes ?