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Le dialogue comme source de qualité du travail

L’expérimentation de l’équipe de psychologie du travail du CNAM et de Renault dans l’usine de Flins est une démarche d’envergure de clinique de l’activité en contexte industriel. Jean-Yves Bonnefond, qui a participé à cette enquête, la présente dans son ouvrage Agir sur la qualité du travail (éditions Érès, 2019) de manière détaillée et il réfléchit à ses apports tant pour le monde industriel que pour l’intervention en psychologie du travail.

La clinique de l’activité est une méthode d’intervention en psychologie du travail, centrée sur le dialogue des travailleurs à propos de l’activité. Elle a démontré sa capacité à aider les collectifs de travail à être une ressource pour leurs membres. L’expérimentation de Renault Flins, par son contexte et son envergure, apporte des questionnements et des perspectives au dispositif.

La méthode employée repose essentiellement sur du matériau vidéo : situations de travail filmées puis discussions des acteurs « confrontés » à ces enregistrements. C’est là le seul reproche qu’on pourra faire à l’ouvrage : il prend en effet le parti de l’absence d’images dans son ouvrage et ne propose aucune photo ni aucun schéma, mais au contraire de longues descriptions – par ailleurs très claires –, des situations physiques (pièces, postes de travail, espace…). On pourrait discuter ce point. Le matériel vidéo avait pour but de créer et soutenir du dialogue sur l’activité. Mais l’ouvrage prend sur cet aspect le parti inverse : il contient énormément de retranscriptions exhaustives d’échanges entre différents acteurs (probablement un quart ou un tiers du livre). Cela  permet ainsi de mieux comprendre ce qu’est une démarche de clinique de l’activité dans les faits.

L’expérimentation Renault Flins, validée conjointement par la direction et les organisations syndicales dans un contexte de dialogue social compliqué, portait sur la capacité à dialoguer sur la « qualité du travail » et à améliorer ce dialogue. Il s’agissait de valider l’idée que la qualité du travail pouvait améliorer la santé des ouvriers, et par conséquent leur efficacité et l’ensemble des relations au sein de l’entreprise.

L’ouvrage est découpé en trois parties principales.

  • La première partie présente la genèse de la démarche et la mise en place du prototype d’intervention sur deux unités de travail, ainsi que le bilan qui en a été fait.
  • La deuxième partie explique comment la démarche a été généralisée à l’ensemble de l’usine et les conséquences que cela a eu.
  • Enfin, la dernière partie développe des contributions davantage théoriques révélées par l’expérimentation, dans le champ de la psychodynamique du travail ou de la clinique de l’activité.

La clarté et la pédagogie de son propos, tout comme la transparence (il présente notamment les difficultés rencontrées) sont constantes tout au long de ce déroulement.

Ce livre présente deux grandes qualités qui en justifient sa lecture :

Tout d’abord, c’est une plongée particulièrement limpide dans la réalité du monde industriel automobile« technologique » d’aujourd’hui. On ne parle plus en France du monde ouvrier, qui est censé avoir disparu, avoir été délocalisé et remplacé par les services. Néanmoins, l’INSEE rappelle qu’il reste environ 17% d’ouvriers parmi les actifs, et cet ouvrage permet de comprendre, si ce n’est découvrir, le quotidien trop oublié de certains d’entre eux.

Ensuite, Jean-Yves Bonnefond fait un manifeste rigoureux et convainquant en faveur de la mise en dialogue du travail. Il rappelle et démontre que travailler autrement est toujours possible, même dans un contexte industriel et un environnement contraint. C’est alors l’affaire de décisions politiques et d’engagement de tous les acteurs, mais cela permet le cas échéant des effets particulièrement positifs tant sur la qualité du travail et sa productivité que sur la santé des travailleurs.

L’auteur

Clinicien de l’activité, Jean-Yves Bonnefond est docteur en psychologie du travail, chercheur au CRTD du CNAM où il est également enseignant. Il a récemment créé la société DQT (Dialogue sur la qualité du travail), une JEU (Jeune entreprise universitaire) innovation conventionnée avec le CNAM, qui vise à valoriser et poursuivre ces travaux de recherche.

L’extrait

« C’est pourquoi, dans le genre d’interventions que nous conduisons, nous mettons en œuvre une psychologie concrète du travail pour transformer – non sans mal – les situations réelles dans les organisations réelles, en cherchant à se porter à la rencontre des activités empêchées ou entamées pour leur donner un autre destin possible. C’est là sa portée clinique, car c’est la vitalité subjective et collective des travailleurs et de leur hiérarchie qui s’y trouve convoquée.»

> Pour en savoir plus : https://www.editions-eres.com/ouvrage/4494/agir-sur-la-qualite-du-travail

> Également à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement : 5 questions à… Franck Morel, Avocat associé chez Flichy Grangé Avocats3 questions à… Jean-Paul Bouchet, auteur de « Jouer Collectif : un choix professionnel et syndical ».