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3 questions à… Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail

Astrid Panosyan-Bouvet est ministre chargée du Travail et de l’Emploi depuis septembre 2024. Elle répond aux 3 questions de la Fondation Travailler autrement sur l’emploi des seniors.

Vous avez récemment lancé l’initiative “Emploi des 50+” et publié un guide à destination des employeurs. Comment comptez-vous mesurer l’impact de cette initiative alors que les déclarations d’intention se multiplient mais que les faits restent ténus ?

L’impact attendu est assez simple : c’est l’augmentation significative du taux d’emploi des plus de 60 ans. Chez les 55-59 ans il est légèrement supérieur à la moyenne européenne, mais chez les 60-64 ans il lui est inférieur de 12 points.

Cet écart ne va pas se résorber en trois mois. Dans les mois et les années à venir, chaque nouveau travailleur expérimenté en emploi sera une victoire ! Il ne faut donc pas minimiser les « déclarations d’intention ».

Par ailleurs, sans changement culturel, les pratiques ne changent pas. La prise de conscience et son expression sont déjà un bon signe.

Ensuite on ne peut pas non plus parler de « faits ténus » : nous avons lancé une grande initiative nationale sur l’emploi des salariés de plus de 50+ en mai et nous sommes en juillet ; nous avons déjà embarqué le patronat, l’ANDRH, France Travail, toutes les régions, des acteurs privés comme LinkedIn… Plusieurs milliers d’entreprises ont déjà été touchées. Et cela va continuer : nous organisons à l’automne 101 job-datings et évènements dans tous les départements de France. Nous visons 10 000 entreprises présentes. Ça, c’est très concret.

 

Dans certains métiers, continuer à travailler après 60 ans est difficilement envisageable. Comment adapter les parcours professionnels et prévenir l’usure dans ces cas-là ?

Tous les métiers ne sont pas tenables toute une vie et attendre que les corps soient usés pour partir en retraite anticipée n’est pas satisfaisant. Je le pense et je le dis depuis plusieurs années.

Permettre des fins de carrières complètes et sereines, c’est anticiper, en se disant qu’on ne travaille pas de la même manière à 20, 40 ou 60 ans.

C’est ce qu’a souhaité faire l’Etat avec par exemple la mise en place d’un fonds destiné à financer la prévention de l’usure professionnelle.

C’est aussi ce que doivent faire les entreprises, en interrogeant leurs modes de travail et leur adaptation si nécessaire. Je vous donne un exemple parlant : la Poste finlandaise. Là-bas, les tournées en pentes sont attribuées aux facteurs jeunes ; les plus âgés sont chargés des tournées en terrain plat. Ce genre de bonnes pratiques doit être connu !

 

Cela fait des années que le sujet de l’emploi des seniors est sur la table, mais les avancées restent timides. Qu’est ce qui favoriserait l’accès à l’emploi des chômeurs de plus de 55 ans ?

Ce que j’ai lancé au mois de mai : un changement de la loi, un changement des regards et un changement des pratiques.

Le changement de la loi, c’est la transposition de l’accord seniors des partenaires sociaux de novembre 2024 avec par exemple la mise en place du « contrat de valorisation de l’expérience » pour les chômeurs de plus de 60 ans ou un accès anticipé à la retraite progressive pour continuer de travailler plus longtemps même à un rythme différent. C’est aussi ne pas faire redescendre l’âge de la retraite qui est un moteur puissant d’augmentation du taux d’emploi.

Faire changer les regards, c’est ce que j’ai fait avec une campagne de communication en juin. L’âgisme est la première discrimination au travail et les préjugés sur les 50+ – moins productifs, moins à l’aise avec le numérique… – sont tenaces. Alors qu’un salarié expérimenté, c’est avant tout une fiabilité, une maturité et un « toucher de balle » précieux. C’est cela qu’il faut que tout le monde perçoive.

Faire changer les pratiques, c’est l’ambition de notre guide pratique, d’un site web dédié pour les salariés et les employeurs, ou de tous nos évènements. C’est aussi de nouvelles initiatives de France Travail lancées à la rentrée : Boost 50+, un accompagnement intensif de 8-12 semaines combinant suivi individuel et ateliers collectifs, pour un retour à l’emploi, une reconversion ou une création d’entreprise, et Atout Senior, une alternance adaptée aux seniors, mêlant théorie en centre et pratique en entreprise, déjà testée avec plus de 80 % de retour à l’emploi !

Il y a des marges d’amélioration à tous les niveaux : recrutement, formation continue, adaptation des postes et des rythmes de travail… C’est complexe et progressif, mais nous allons y arriver !

 

> Astrid Panosyan-Bouvet est ministre auprès de la ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargée du Travail et de l’Emploi. Membre du parti Renaissance, elle a été députée de la 4e circonscription de Paris de 2022 à 2024. Avant cela, elle a été membre du Conseil de Surveillance & du Comité de Développement durable et de Conformité d’Air France-KLM pendant 3 ans, et directrice des Fonctions Centrales (RH, RSE, organisation, informatique, gestion des risques) d’Unibail-Rodamco-Westfield. Astrid Panosyan-Bouvet est officière de l’Ordre national du mérite depuis 2013.

> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Seniors au travail : comment aménager la fin de carrière ?Travailler après 50 ans : stop ou encore ?