Prendre soin des salariés aidants : un enjeu stratégique et humain pour les entreprises
Les salariés aidants, qui jonglent entre leurs responsabilités professionnelles et le soutien à un proche en difficulté, représentent une part significative des actifs en emploi. Leurs besoins spécifiques et les défis auxquels ils font face nécessitent une attention particulière de la part des employeurs. Ainsi, en mettant en place des politiques de soutien adaptées, les entreprises peuvent non seulement améliorer la qualité de vie de ces collaborateurs, mais aussi bénéficier des compétences précieuses qu’ils acquièrent. Cette démarche est donc essentielle pour créer un environnement de travail inclusif et solidaire, tout en favorisant la fidélisation et la productivité des collaborateurs.
Qu’est-ce qu’une personne aidante ?
Un aidant est une personne qui vient en aide à titre non professionnel à un proche en situation de handicap, malade ou en perte d’autonomie, de façon plus ou moins régulière et sur une période plus ou moins longue, pour accomplir une partie ou la totalité des actes de la vie quotidienne. L’aide apportée peut inclure une aide aux courses ou aux activités domestiques, un accompagnement aux rendez-vous médicaux, un soutien moral et administratif. En France, 9,3 millions de personnes sont aidantes, dont plus de 60% de femmes. Dans 17% des cas, l’aidant consacre plus de vingt heures par semaine à l’accompagnement de son proche.
Si être aidant permet de créer une relation unique avec son proche, ce peut aussi être synonyme de contraintes : charge mentale, complexité administrative, manque d’argent, responsabilités multiples, fatigue, stress, difficulté dans la conciliation des temps de vie, etc. Comme le souligne Daniel Nizri, président national de la Ligue contre le cancer, “Aider n’est jamais une vocation”.
Avec le vieillissement démographique, le nombre d’aidants va augmenter, alors même que les métiers d’aidants professionnels (aide-soignante, assistant familial, aide à domicile…) manquent d’attractivité. Par ailleurs, faire appel à un professionnel n’est pas toujours possible financièrement, et certains ne souhaitent pas y avoir recours. C’est pourquoi beaucoup de personnes prennent ce rôle “gratuitement”. Mais cette situation renforce les inégalités déjà existantes et en crée de nouvelles.
Les bienfaits d’une culture d’entreprise solidaire et inclusive
Pourquoi est-ce un sujet pour les entreprises ? Parce que 21% des salariés sont aidants, un chiffre qui grimpe à ¼ à l’horizon 2030, ce qui a des répercussions sur le monde du travail (stress, fatigue, productivité, etc). D’après l’Observatoire solidaire de la Mutuelle Générale, 53% des aidants souffrent de problèmes psychologiques ou physiques. C’est pourquoi il est primordial que les organisations s’adaptent à cette mutation sociétale pour concilier au mieux obligations professionnelles et impératifs familiaux des collaborateurs. Un pari gagnant-gagnant puisqu’il permet une fidélisation des collaborateurs et une meilleure marque employeur. C’est aussi un enjeu d’inclusion et de non-discrimination.
Certaines entreprises s’engagent déjà ! C’est le cas d’Apicil : parmi des dispositifs de souplesse dans l’organisation du travail et de guides pratiques mis à disposition, ils proposent également une fois par mois un “café des aidants”, animé par un psychologue, au cours duquel les salariés aidants ont la possibilité de partager leurs préoccupations, leurs “trucs et astuces”, et d’être accompagnés. La Poste, quant à elle, a mis en place un fonds de solidarité entre collègues, destiné aux salariés aidants. L’entreprise Axa prévoit jusqu’à 10 demi-journées de congés par an pour “diminuer la charge psychologique et physique” des salariés-aidants, témoigne la DRH du groupe Karima Silvent.
Alors que l’absentéisme serait plus prononcé chez les salariés aidants (15 jours d’écart avec un salarié « non aidant » selon l’Observatoire solidaire de la Mutuelle Générale), et que 40% disent avoir renoncé à une opportunité professionnelle à cause de leur situation, il faut agir au cas par cas.
Les compétences des aidants : une valeur ajoutée
Il revient donc aux entreprises de s’engager sincèrement sur le sujet. Car non seulement c’est un enjeu d’attraction et de qualité de vie au travail, mais c’est aussi un enjeu de rétention des talents : les aidants développent des compétences précieuses qui peuvent enrichir le milieu professionnel.
De fait, une personne aidante développe une multitude de qualités et compétences qui sont inestimables en milieu professionnel. Elle sait trouver des ressources et faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’agilité, démontrant ainsi une résilience remarquable face aux défis. Dans son rôle, elle pratique l’entraide et développe une capacité d’organisation exceptionnelle, tout en étant dotée d’une écoute attentive et d’une patience à toute épreuve. Sa rapidité et son efficacité sont souvent cruciales pour répondre aux besoins immédiats de la personne aidée. De plus, elle assume des responsabilités importantes avec assurance et fait preuve de solides compétences en relations humaines, renforçant ainsi les interactions et la cohésion au sein de toute équipe.
Toutes ces compétences peuvent être valorisables au travail. Ainsi, ces salariés ne doivent pas être pensés comme une charge pour les entreprises, mais comme une réelle ressource ! Il est primordial de détecter, accompagner et rendre visible l’aidance pour en faire une valeur ajoutée en entreprise.