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Maintenant, je fais quoi ?

Denis Lafay, Directeur de rédaction à la Tribune, introduit l’ouvrage collectif « Maintenant, on fait quoi ? », sorti en août 2020, qui rassemble les réflexions de différents sociologues, philosophes, politiques, économistes, etc sur le monde de demain. Cet ouvrage est pour lui « un acte militant, en faveur d’une humanité invitée à, ou plutôt sommée de penser et bâtir autrement ». Trois points principaux nous semblent intéressants à retenir.

Une réalité des choses qui a rattrapé les rêves de changement

Au début du confinement, certains analystes identifiaient déjà une prise de conscience, une transformation des mentalités et de la société en matière d’écologie, de respect des autres, de consommation… « Solidarité, bienveillance et fraternité formaient l’ossature civilisationnelle en devenir ». Chacun se recentrait alors sur les petits plaisirs de la vie, sur la simplicité. Mais la réalité des choses a vite rattrapé ces esprits rêveurs ; mise de côté des bonnes pratiques citoyennes et environnementales pour se consacrer au plus urgent. « La vague de bonne conscience s’est rapidement fracassée sur le ressac de l’incivilité et de l’a-citoyenneté ».

En plus des individus, les grandes entreprises ont aussi manqué cette opportunité d’évolution. Denis Lafay prend l’exemple d’AXA qui proposait de créer une relance économique verte, inclusive, et empreinte de justice sociale, mais qui d’un autre côté n’aidait pas les restaurateurs venus réclamer la prise en charge, même partielle, de leur perte d’exploitation. Ou encore Total qui, lors de son assemblée générale en avril 2020, a vu 84% de ses actionnaires refuser une proposition de résolution sur le climat. Un long chemin est encore à parcourir…

Mais, comme l’auteur le souligne, il est plus rassurant, pour faire face à une crise sanitaire, économique et sociale, de « convoquer les outils connus, les mécanismes éprouvés, les raisonnements habituels ». Ainsi, un cours durablement bas du pétrole favorisera l’usage des énergies fossiles, écartant donc la transition énergétique.

Alors comment entamer cette transition ou faire émerger la solidarité ?

Une lueur d’espoir : prise de conscience timide des populations

La crise du Covid aura constitué une opportunité inespérée de faire évoluer les mentalités en encourageant le fait de prendre soin de soi et d’autrui. En effet, témoigne D. Lafay, chacun a pris conscience de la fragilité et de la vulnérabilité de son corps, de son âme, des personnes aimées, des collègues, mais aussi des systèmes politique, économique et financier mondial, de la planète vivante… Prise de conscience indispensable pour amener à la solidarité : « Le niveau de résilience et de maintien en humanité de tout système est lié à sa juste compréhension de la vulnérabilité ».

Nous avons aussi observé une évolution dans les consommations et dans les déplacements : beaucoup ont adopté le vélo électrique, le circuit court, la consommation responsable… L’entreprise, elle aussi, intègre plus qu’avant dans sa politique RSE les exigences, les attentes des collaborateurs et des clients. La crise aura au moins permis de réfléchir au périmètre de ce bien commun. L’Union européenne peut également servir d’exemple à travers son plan de relance de 750 milliards d’euros, qui met en avant les priorités écologiques et sociales.

Mais, s’interroge Denis Lafay, « ces premières réalités ou raison d’espérer suffisent-elles ? Pour esquisser un contentement momentané, oui. Pour se réjouir durablement, non. Car il ne s’agit là que de pansements. » Une transformation plus en profondeur est nécessaire, pour les populations, et pour la planète.

Aller plus loin : une « démocratie autre »

Il ne suffit plus aujourd’hui de reconstruire, relancer. Il faut innover, créer. Mettre en avant les mots coopération, collaboration, co-innovation, confiance. « Et si la démocratie est utile pour re-démarrer, une « autre démocratie » est indispensable pour co-construire. »

Cette démocratie « autre » intégrant la dynamique du « co » s’installerait dans tous les rangs de la société : dans les entreprises – avec une meilleure répartition du pouvoir entre tous les acteurs –, au sein des collectivités territoriales, en motivant la liberté de créer et d’expérimenter localement, et au niveau national – avec par exemple plus de conventions citoyennes. Cette démocratie « du bas » serait complémentaire de la démocratie représentative déjà en place. L’individu deviendrait pleinement citoyen, et serait inviter à co-élaborer son avenir et celui des autres.

L’auteur finit son propos en nous conseillant de faire de cette pandémie, qui nous a tous impactés à des niveaux différents, une opportunité pour un nouvel avenir. A notre tour de nous demander, « au seuil de l’immense défi civilisationnel et humaniste révélé par l’anatomie de la pandémie : Maintenant, je fais quoi ? » ».

L’auteur

Denis Lafay est un journaliste français, qui a fondé et dirige Acteurs de l’économie – La Tribune (un mensuel qui traite toute l’actualité économique en Auvergne-Rhône-Alpes). Il est également directeur du pôle Idées dans le journal économique et financier La Tribune. M. Lafay dirige aux éditions de l’Aube la collection « Le monde en soi ». Il est directeur d’ouvrage du livre Maintenant, on fait quoi ?, dans lequel, à travers des dialogues et tribunes, 25 personnes dessinent les premières ruptures entre le monde d’avant et le monde d’après la pandémie.

> Pour en savoir plus sur l’ouvrage : http://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/maintenant-on-fait-quoi/.

> Egalement à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement : https://www.fondation-travailler-autrement.org/2020/10/26/comment-la-crise-de-la-covid-19-a-t-elle-accelere-la-transformation-du-travail/, https://www.fondation-travailler-autrement.org/2020/05/15/covid19-glas-travail/.