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Ensemble, c’est travailler autrement

Dans son ouvrage « Le travail qui guérit, l’individu, l’entreprise, la société », Jean-Michel Oughourlian présente, décrit et analyse le fonctionnement des six « usines-apprenantes » de la Fondation AMIPI-Bernard Vendre. Tous leurs opérateurs, 700 personnes sur un effectif de 830 salariés, sont porteurs de handicaps mentaux. Pourtant, ils travaillent tous ; et nombre d’entre eux iront ensuite travailler dans des entreprises « normales ».

Le travail peut guérir

Jean-Michel Oughourlian explique avec précision et bienveillance dans à quel point cette expérience réussie montre que le travail peut apprendre, peut guérir. C’est la conviction de l’AMIPI qui, dans ses usines de câblages qui approvisionnent toute l’automobile française, emploie des travailleurs porteurs de handicap mentaux dans un cadre de travail on ne peut plus classique (quoi que sans aucun doute bien plus bienveillant que ne peut parfois l’être aujourd’hui le monde du travail financiarisé). Ils portent cette mission depuis des décennies – l’histoire de la Fondation est brièvement rappelée en préface – et avec une grande constance.

L’auteur analyse les éléments qu’il retire de cette visite à ses propres recherches et convictions en matière de psychologie, et notamment autour de la notion de mimétisme. Il explique comment, pour des personnes porteuses de handicap comme pour toute autre personne, l’imitation, l’intégration, la confrontation à l’altérité et à l’interdépendance, qui sont la nature même du travail, apportent une immense capacité à se développer.

Plus largement, l’auteur utilise ses visites et la galerie de portraits qu’il en retire pour insister sur la diversité des formes d’intelligence, l’altérité profonde et normale des êtres humains. Il dresse en cela un plaidoyer pour que le monde du travail soit capable de reconnaître, d’accompagner et de valoriser cette diversité et non ne s’enferme dans une normalisation mortifère.

Car si le livre se concentre sur cette expérience réussie, il pose en négatif évidemment la question du reste du monde du travail. La critique implicite posée sur les entreprises ou administrations « classiques » est de ce fait sans concession. Par extension, on peut se questionner à sa lecture sur la capacité de toute personne « différente », et a fortiori porteuse de handicap mental, à s’intégrer dans certaines des nouvelles formes d’emploi particulièrement atomisées, individualisées et précarisées qui sont en pleine croissance.

Ce livre relativement court, d’une grande clarté et très didactique est donc un rappel important de comment une structure du travail classique, dès lors qu’elle est construite et conduite avec intelligence et bienveillance, permet de travailler autrement car avec des gens différents.

L’auteur

Jean-Michel Oughourlian, neuropsychiatre, ancien professeur de psychologie à la Sorbonne, est spécialisé dans la psychologie mimétique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Notre troisième cerveau et Cet autre qui m’obsède.

L’extrait

« J’ai longtemps enseigné les sciences humaines à la Sorbonne, à Paris. J’ai dirigé des thèses de doctorat et vu défiler des générations d’étudiants brillants, capables de disserter des heures sur Freud ou sur Platon. Mais j’en voyais beaucoup totalement démunis face à une machine, ne serait-ce qu’un photocopieur : ils appelaient à l’aide. Ils n’avaient aucune intelligence manuelle. C’est, à mon avis, un handicap. Mais on ne les désignait pas comme des handicapés : ils avaient une autre forme d’intelligence, intellectuelle celle-là. »

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