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3 questions à… David Lacombled, président de la Villa Numeris

Le décloisonnement horaire et spatial du travail est commun à toutes les formes modernes de travail. L’omniprésence des TIC est un des facteurs clés de cette évolution :  27% des travailleurs de l’Union européenne, salariés ou indépendants, ont un lieu de travail différent de celui de leur entreprise. Il faut également noter que l’arrivée des jeunes générations sur le marché du travail renforce ce phénomène, puisque 4 jeunes diplômés sur 5 considèrent qu’Internet revêt une importance vitale et fait partie de la substance même de leur vie et 68% déclarant qu’ils devraient pouvoir accéder aux réseaux sociaux à partir de leur lieu de travail. Ces phénomènes, la Villa Numeris les observe et les analyse. Rencontre avec David Lacombled, son président.

Pouvez-vous nous présenter la Villa Numeris ?

La villa numeris est un laboratoire d’idées, un lieu neutre où se rencontrent les acteurs de l’économie attachés à une vision humaine du développement numérique. Nous promouvons en particulier des modèles ouverts, seuls susceptibles d’apporter confiance et pérennité, afin de ne laisser personne sur le bord de la route digitale. J’ai créé cette association dans la foulée d’un essai que j’ai publié aux éditions Plon, en 2013, Digital Citizen, Manifeste pour une Citoyenneté numérique.

Nous nous plaçons dans une dynamique européenne face à deux continents numériques particulièrement efficients, les États-Unis d’un côté et la Chine-Asie-Pacifique de l’autre côté. A force d’encadrement et de réglementation, l’Europe passe à côté de la révolution des sciences et du savoir. Sur un continent qui est le grenier du monde en matière culturelle, avec des langues les plus parlées à travers la planète (anglais, français et espagnol) et des “cerveaux mathématiques” particulièrement bien préparés à la plateformisation de la société, nous avons toutes les qualités pour faire notre révolution numérique. A condition de lâcher un peu la bride.

Robotisation, digitalisation, intelligence artificielle… selon vous, la révolution est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Ce sont des inventions anciennes, datant pour certaines de la moitié du XXème siècle, dont l’essor est permis aujourd’hui grâce à la profusion et à la récolte des données par des géants mondiaux qui développent des services de très grande qualité pour leurs utilisateurs.

Si un pays ou une organisation ne s’adaptent pas, ils risquent le déclassement immédiat. Pour mieux servir vos concitoyens et consommateurs, il faut améliorer la connaissance que vous avez d’eux. Et seule la récolte des données le permet. Si vous bridez cette récolte, il n’y a aucune chance de développer des services de qualité, personnalisés, adaptés à l’exigence sans cesse aiguisée des citoyens.

Quel est votre regard sur les nouvelles formes d’emploi ?

Face à cette rupture technologique et humaine majeure qui fait que beaucoup de tâches seront remplies par l’intelligence artificielle, et au moment où le travail devient une option de nos vies, dont l’espérance a quasiment doublé en moins de cent ans, là où la durée du temps de travail a eu tendance à diminuer, l’homme n’a pas d’autre choix que de s’adapter.

S’adapter, c’est se donner les moyens de “pivoter” à titre personnel, comme on le dit des start-up. Développer une expertise certes, mais être aux aguets, donc suffisamment formé et informé, pour saisir les opportunités. Développer un réseau certes, mais savoir l’animer en devenant l’entrepreneur de soi-même, en se vendant comme une marque, en donnant du contenu, au sens propre, par les réseaux sociaux, comme au figuré, en développant sans cesse ses connaissances, à sa démarche.

Les organisations, privées ou publiques, doivent également revoir de fond en comble leurs modes de fonctionnement. Verticalité et centralité sont obsolètes. Il est urgent de miser sur l’intelligence collective, de permettre via des outils comme les plateformes collaboratives, le crowdsourcing ou le co-working, l’émergence de nouveaux modes de collaboration transversaux et ouverts.

L’entreprise n’est plus l’ensemble de ses employés, mais la somme de tous ses collaborateurs et partenaires. Et de fait, la notion de fonction – par définition, interchangeable – tend à être remplacée par celle de compétence – par définition unique et propre à chacun.

On ne vient plus nécessairement en entreprise pour travailler, mais pour échanger dans le cadre du travail. Plus une entreprise contribue à améliorer l’employabilité de ses collaborateurs – donc leurs compétences – plus elle devient performante et donc séduisante sur le marché du travail pour attirer les meilleures compétences. L’entreprise devient un hub. C’est une chance pour elle de ne plus être un lieu subi mais un lieu choisi.

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