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Peut-on dissocier modes de consommation et conditions de travail ?

« Intelligence du travail », de Pierre-Yves Gomez (Desclée de Brower, 184 pages, 15,90€).

Le sujet

Pierre-Yves Gomez livre ici son dernier ouvrage, dans la continuité des réflexions développées dans ses livres précédents. Il réfléchit dans cet essai à la manière dont les expériences de consommateur et de travailleur sont liées : c’est la manière dont on consomme qui structure au final la manière dont on nous demande de travailler.

Par sa forme comme par son fond, « Intelligence du travail » est un essai.

Pour la forme, le texte très ramassé, incisif, s’extrait des contraintes académiques : structuré en 20 sections sans titre, il ne comporte pas de bibliographie, d’annexe ou de notes de bas de page. L’auteur y déroule son raisonnement de manière fluide, prenant le lecteur à partie et l’accompagnant de constat en proposition.

Pour le fond, l’auteur compose au fil des pages une trame à même de relier de nombreuses dimensions de notre société : le travail évidemment, mais aussi la consommation, tout comme des aspects sociétaux plus éloignés tel que les aspirations émergentes ou les espérances des migrants. Il rappelle que notre société – toute société – n’est finalement que la somme du travail passé et présent de ses membres. Travail économique (rémunéré), mais aussi travail domestique ou bénévole, dont les fruits sont injustement oubliés dans les mesures et la valorisation sociétale.

Pierre-Yves Gomez décrit enfin longuement comment, d’après lui, ce que nous faisons et souhaitons en tant que consommateurs entraîne mécaniquement ce qu’on attend de nous en tant que travailleur. En l’occurrence, comment la consommation à outrance entraîne l’obligation d’un travail vide de sens. Notre aliénation  de travailler n’est que la face sombre de notre plaisir de consommateur. Il propose, de là, de remettre l’intelligence du travail au centre de la société – la Cité – et de faire en sorte que les modes de consommation en découlent ; non l’inverse. Construire et défendre un travail qui ait du sens, ce qui se ferait conjointement au fait de consommer mieux, si ce n’est de consommer moins.

L’auteur

Pierre-Yves Gomez est professeur à l’EM Lyon et président de la Société française de management.

La citation

« Voici donc une guerre entre les deux cités, une guerre pour deux désirs de libertés : consommer sans entrave ou décider du sens de notre travail. Elle se déroule sous nos yeux sans que, le plus souvent, on en voie l’importance. On aime à discuter abstraitement de notre vivre ensemble avec une idée de la France universelle et vague. On s’inquiète par ailleurs des évolutions économiques et de leurs conséquences sociales. Mais on ne remarque pas que tout est lié : ce qui tisse le lien social d’une nation, c’est sa langue, sa culture, son histoire, mais, souverainement, la place du travail et la condition du travailleur. La manière dont le travail se réorganise pour produire du sens transforme notre vivre ensemble. Mais nous avons été habitués à nous désintéresser de la condition du travailler, si ce n’est en l’invitant à être une ‘’entrepreneur de lui-même’’, seul dans la multitude. Nous avons confié notre destin aux forces de la technique et aux puissances de l’économie de consommation de masse. C’est pourquoi nous ne voyons plus les combats qui se livrent et dont l’issue, quelle qu’elle soit, définira la société de demain. »

> Pour en savoir plus, la fiche du livre

A lire aussi sur le site de la Fondation Travailler autrement :
> Les nouvelles formes d’emploi, à la croisée des Cités du consommateur et du travailleur : Rapport – New forms of employment (Eurofound, 2015)
> D’autant plus dans un contexte ou le travail salarié reste dominant, un Article de revue – Où sont tous les travailleurs indépendants ? (Fox, 2014)